Compte-rendu de recherche à partir du General Evolution Research Group (GERG)
30 mars 2020
En ce début du XXIe siècle, il est difficile de se motiver pour des projets à long terme tels que ceux qui concernent la crise climatique ou le Projet Respect (le respect des personnes et des groupes) en se basant sur les résultats obtenus par le développement humain, même si certains progrès indéniables ont été faits en ce qui concerne la santé, l’instruction et le niveau de vie dans le monde. Or une mutation, une sorte de métamorphose, est à prévoir pour notre futur.
| Le progrès relatif du développement humain
L’étude des tendances du développement humain dans les rapports du Programme des Nations unies pour le développement montre que la plupart des pays en développement ont fait des progrès énormes dans les domaines de la santé, de l’instruction et de niveau de vie depuis 1970, beaucoup des pays les plus pauvres ayant réalisé les plus grands progrès… [toutefois] ces progrès ont été extrêmement variables d’un pays à l’autre, certains ayant même reculé depuis 1970. (Rapport sur le développement humain 2013 -L’essor du Sud : le progrès humain dans un monde diversifié, sur le site du PNUD). |
Plusieurs groupes démunis demeurent donc pratiquement laissés à eux-mêmes de la part des autres groupes plus ou moins riches. À quand donc un progrès véritable pour tous? Tenter d’avancer sur cette question fera l’objet de cet article. D’abord le choix du mot métamorphose peut surprendre, mais cela peut s’expliquer au moyen d’un célèbre paradoxe.
Le paradoxe du « tas de blé »
Considérons une scène dans laquelle on voit successivement des grains de blé tomber sur un sol horizontal à un rythme défini, par exemple un grain par seconde. Au début, il n’y a que des grains épars sur le sol. Au bout d’un certain temps, il apparaît une sorte de monticule que nous conviendrons d’appeler un « tas de blé », eh oui, un petit tas de blé qui n’y était pas au début de l’expérience. La question de savoir comment émerge ce tas a considérablement agacé les penseurs depuis le IVe siècle av. JC, d’après le sophisme du « tas » (« sorite ») inventé probablement par le philosophe grec Eubulide.
Le paradoxe du « tas », ou ici du « tas de blé », souvent appelé paradoxe sorite, se définit au moyen du raisonnement suivant en trois propositions.
1) Un grain de blé ne forme pas un tas, deux grains non plus;
2) or, s’il n’y a pas de tas, le fait d’ajouter un grain ne formera pas un tas non plus; on arrive ainsi au résultat absurde :
3) aucun nombre de grains ne permet d’en faire un tas.
Tas de blé
On trouve facilement des situations où le paradoxe du « tas » peut causer un problème. Par exemple, une corvée désagréable peut toujours attendre au lendemain, ou bien, autre exemple, ce n’est pas un chocolat de plus qui va faire une différence de poids.
Nous verrons que la discontinuité du « tas » se trouve impliquée dans la transition vers le progressisme éthique du Projet Respect, qui apparaîtra historiquement comme une « métamorphose » entre autres des mœurs politiques qui auront été courantes jusque-là.
| La discontinuité du « tas »
La discontinuité du « tas » caractérise un très grand nombre d’actions ou de processus sans qu’on en soit très conscient. Par exemple, la reconnaissance d’une institution scolaire ou l’attribution d’un diplôme en dépendent. La reconnaissance elle-même apparaît quand? Avec quel type de consensus? À partir de quand et de quoi un établissement scolaire est-il reconnu comme tel? À partir de quand et de quoi un diplôme est-il décerné? On sait qu’en principe les professeurs décident, mais quel professeur est en pratique assez qualifié pour le faire? Le paradoxe du « tas » comporte en fait une dimension –– verticale –– irréductible. |
Une métamorphose?
Le mot métamorphose provient du grec ancien μεταμόρφωσις, metamórphōsis, qui signifie « transformation ». On a dans l’Antiquité utilisé ce terme pour désigner une transformation opérée par les dieux.
En zoologie, le mot métamorphose est également utilisé pour désigner un changement de forme qu’on observe chez un grand nombre d’espèces d’insectes et chez quelques autres animaux, tels que les amphibiens.
——————————
L’idée géniale à la base d’une théorie scientifique est soumise au même genre de paradoxe. À partir de quel degré de reconnaissance l’idée est-elle reconnue comme scientifique? et donc inscrite à ce titre dans le GEA (Grand ensemble autoréférentiel)? Cela apparaît comme une émergence liée à notre compréhension du temps.
Qu’est-ce que le temps?
On distinguera une idéoséquence de trois temporalités différentes :
1) la temporalité des processus cérébraux très rapides de l’ordre des fractions de secondes, plus précisément de moins des dix-millièmes environ jusqu’aux dixièmes de secondes (c’est ici la temporalité de très court terme notée « mT »),
2) celle des actions conscientes, de l’ordre de la seconde jusqu’aux périodes de plusieurs jours ou plus (c’est la temporalité de court terme notée ici « CT »),
3) celle des processus et développements d’ordre historique, pouvant occuper des années, des siècles ou des millénaires (c’est la temporalité de long terme notée ici « LT »).
En ce qui concerne les actions conscientes, on considérera donc que les processus « à très court terme » concernent les processus relativement rapides du cerveau, et ceux « à court terme » concernent les mouvements volontaires que nous faisons dans le temps ordinaire. On pourra y voir une idéocorrespondance de type :
mT =>> CT
l’une étant relative aux mouvements cellulaires et l’autre aux mouvements conscients censés en résulter.
Quant au long terme, il concerne ce qui se passe dans l’histoire, en général, à partir d’actions particulières des humains. Une idéocorrespondance sera ainsi exprimée :
CT =>> LT
Il faut distinguer ici deux ordres de processus, qu’on peut décrire comme
- Le passage du mT au CT, c’est-à-dire du milli-terme au court terme. Le mT est le temps dans lequel s’effectuent les processus cérébraux trop rapides pour qu’on puisse en être généralement conscient. Le CT, ou court terme, est la temporalité ordinaire de tous les jours, dont on est généralement conscient.
- Le passage du CT au LT, c’est-à-dire du court terme (ou temporalité ordinaire) au long terme historique. On remarquera qu’on n’est pas conscient au moment où on le vit de ce qui passera ensuite notablement à l’histoire.
Si on considère le passage du mT au CT, ce processus peut représenter une émergence de sens ou, par exemple, de perception visuelle d’un « tas de blé »,
Le phénomène de l’émergence de la conscience
Une émergence de conscience se constate à partir d’un assez grand nombre de « petites visions » de chacun des grains visibles regroupées très rapidement par le cortex visuel, chacune de ces petites visions s’effectuant en un laps de temps très court mT. À défaut de reconnaître soi-même chacune de ces petites visions, son cerveau le fait.
La discontinuité du progrès
La discontinuité CT =>> LT est en fait celle d’une profonde transformation du développement où les guerres et les luttes humaines prendront la forme de péripéties en quelque sorte normales (ou plutôt historiquement <normales>, où les chevrons indiquent la normalité idéomorphique) du développement humain. Les injustices deviendront déséquilibres locaux ou globaux de croissance, les organisations internationales deviendront ensemble la Société mondiale ou globale, et les États-nations deviendront sous-sociétés multiculturelles. Les dissidents deviendront points de départ de nouvelles nations, de nouveaux groupes religieux.
——————————–
Remarques :
Le paradoxe du tas de blé se présente comme une discontinuité numérique et spatiale (discontinuité perceptuelle), qui peut aussi être interprétée comme une discontinuité temporelle. Cela se décrit mathématiquement comme un graphe qui se déploie dans un espace de graphe, ou espace graphique, chacun des grains étant représenté comme l’un des nombreux sommets du graphe.
Dans le cas du progrès sociétal, l’enjeu peut valoir une révolution. Le paradoxe du tas de blé a pour effet qu’on prendra pour progrès ce qui n’en est qu’une des étapes ou, à l’inverse, certains progrès pourtant réels n’apparaîtront pas comme tels à la plupart des observateurs. On pourra confondre une impression de progrès avec le progrès ou bien réduire un progrès réel à une simple illusion.
——————————–
Il résulte une réorganisation des processus ayant conduit à l’organisation lorsque celle-ci se sera produite. Par exemple, le processus conduisant à la conscience à partir d’une organisation neuronale inconsciente conduit à des recherches et des découvertes individuelles ou personnelles, c’est-à-dire propres à soi, sur le fonctionnement du cerveau. La conscience revient en quelque sorte sur elle-même afin de se comprendre d’après l’inéquation suivante :
Passage des processus neuronaux à la conscience individuelle : mT =>> CT
Recherche personnelle sur le fonctionnement cérébral : CT à mT
Ce à quoi répondra le développement humain ainsi visé par cette recherche personnelle élargie, sur le LT, à la recherche de nouveaux progrès s’organisant au sujet des méthodes de recherche :
Passage des recherches personnelles en vue de progrès réel dans l’histoire : CT =>> LT
Réorganisation scientifique de la recherche : LT à CT
Schématiquement, le savoir sur l’histoire met en évidence les transformations que subissent les valeurs et les normes culturelles, et remettent en question les anciennes traditions. La conception <objective> (ou idéométrique) de l’histoire permettra ainsi de concevoir une éthique évaluative basée sur le respect de soi en plus du respect des autres, de tous les autres, y compris des groupes.
L’irréductible apparence d’unicité (i.a.u.)
On peut appliquer de tels schémas sur le progrès afin de mieux comprendre le sens des progrès récents et à venir en ce qui concerne les revendications sociales des féministes et des autres mouvements progressistes.
Le contenu de la conscience peut être pensé de plusieurs façons, mais chacune de celles-ci possède la propriété de l’i.a.u. (l’irréductible apparence d’unicité; cf. « Précisions sur le Projet Respect : Autonomie, environnement, violence… ») qui se retrouve aussi bien dans la définition de la conscience que dans celle de la science selon l’idéocorrespondance :
i.a.u. de la conscience =>> i.a.u.de la science
L’i.a.u. est également une caractéristique de la temporalité en tant qu’idéoséquence <T> et de la réalité en tant que telle. L’usage du langage permettra à l’enfant de dépasser son irréductible impression d’unicité.
L’enfant qui ne dispose pas encore de la parole ne fait aucun projet de plus d’un jour, voire de plus de quelques heures. Ses besoins du moment retiennent toute son attention. Lorsqu’il sera en mesure de s’exprimer par le langage, il apprendra le sens de mots tels que « demain », « la prochaine fois », « pas tout de suite », « pas aujourd’hui ». Ses préoccupations passeront graduellement aux mois et aux années, le CT+. L’usage de tels mots aura pour effet entre autres de le rendre plus patient envers les autres, de faire moins de crises d’humeur, d’être plus autonome en matière d’hygiène. Il apprendra à se motiver pour des buts de plus en plus lointains dans son futur. Par correspondance, lorsqu’on disposera de l’idéométrie sur une grande échelle, on comprendra mieux la valeur des changements éco-socio-politiques qui se font sur le long terme et il y aura moins de crises de toutes sortes, notamment de crises économiques; on apprendra en matière d’environnement et on saura mieux éviter les déséquilibres climatiques, ou s’y adapter. Et, en adhérant au Projet Respect, on pourra se motiver en fonction des autres citoyens et des autres nations en vue de l’atteinte d’objectifs plus lointains situables dans le cours des générations et des siècles à venir. On pourra comprendre comment en arriver à une situation de respect dans le monde en examinant les référentialités, c’est-à-dire des courants référentiels contenant l’ensemble de textes ou œuvres de référence pour un groupe humain donné.
- Les référentialités
La référentialité féministe
La référentialité la mieux connue est surtout celle des auteurs et des œuvres les plus influents de l’histoire. Elle est particulièrement celle des grands philosophes et des grands scientifiques et, plus généralement, celle des arts et des littératures nationales les plus prestigieuses telles que celles de Shakespeare, de Molière, de Dante ou de Goethe. On peut la désigner comme la civilisation occidentale au sens large de l’Europe, des Amériques et d’une bonne partie du reste du monde. Or d’autres courants référentiels entendent lui résister.
La référentialité féministe, en particulier, tend à se faire reconnaître et à se développer selon ses propres approches, souvent en contestant le grand courant référentiel dominant l’Occident. Prendre conscience de sa différence est l’un de ses premiers objectifs, le but étant d’affranchir les femmes de l’asservissement au « patriarcat », c’est-à-dire au système où le masculin est censé incarner l’universel et détermine en fait une certaine condition première de la femme. La référentialité féministe le prend en défaut et en élargit les perspectives.
L’ouverture pratiquée par la référentialité féministe suggère ici d’établir la super-histoire en tant qu’histoire de toutes les histoires, de tous les « EA », c’est-à-dire les « Ensembles autoréférentiels », existants. Cela entraîne des conséquences qui joueront un rôle crucial en vue de la réalisation du caractère superficiel ou artificiel de qu’on a appelé l’« objectivité », c’est-à-dire en quelque sorte le « point de vue de nulle part », où l’on vise en particulier Thomas Nagel et sa « View from Nowhere » (cf. Anderson, Elizabeth, « Feminist Epistemology and Philosophy of Science », The Stanford Encyclopedia of Philosophy, 2020).
Référentialités queers
Le mot queer est un anglicisme rendu admissible selon plusieurs horizons. Ses significations premières sont « étrange » et « homosexuel ». On peut expliquer la portée du mot queer en le décrivant comme regroupement d’un nombre indéterminé de référentialités foncièrement subversives, et symbolisant le refus de toute étiquette. Il n’y existe pas de décidabilité des frontières sexuelles et le sexuel défini y est de trop.
Les référentialités queers se comprennent comme de libres référentialités centrées sur les LGBT, nom du mouvement rassemblant les lesbiennes, les gais, les bisexuels et les transsexuels, d’abord dirigé contre une psychiatrie qui les pathologisait, tentant ainsi de les contrôler sous le couvert de la référentialité scientifique. Le but de ce mouvement n’est pas de rétablir leur « normalité », mais au contraire de s’en éloigner en faisant comme les féministes, c’est-à-dire en constituant leurs propres référentialités. Revendiquer sa référentialité permet de fonder une identité séparée, distincte non seulement par l’espèce de perversion d’un genre féminin ou masculin considérés comme normaux, mais par de nouveaux genres liés à l’identité.
On ne se contente donc pas de rechercher une tardive reconnaissance référentielle, mais on s’en donne une à soi et les siens. À ce titre, on aime se faire valoir devant les autres, d’où l’insistance actuelle sur le coming out (« coming out of the closet », « sortir du placard »).
——————————
Remarques :
Le linguiste québécois Gabriel Martin explique que le sens de base de queer, en français, se définit ainsi : « Qui s’inscrit dans un ensemble de courants de pensée politisés, axés sur l’analyse et la remise en question des construits sociaux traditionnels et normatifs qui ont trait aux questions de genre, de sexe et de sexualité ». Au Québec le mot queer, selon lui, serait aussi utilisé par extension pour qualifier les personnes « dont l’identité de genre, l’expression de genre, les caractéristiques sexuées ou la sexualité s’inscrivent passivement ou activement en faux des construits sociaux traditionnels et normatifs » (cf. Wikipédia). Le côté référentiellement dissident des Québécois s’y trouve sans doute impliqué.
——————————
Une autre sorte d’objectivité
La quasi absence des femmes chez les acteurs du savoir scientifique suscite d’abord une interrogation sur les conditions implicites de son accès. En fait, ils auront eux-mêmes décrit les femmes comme impropres au savoir. La science la plus dominante aura eu cette caractéristique de ne pas chercher à se prendre elle-même comme champ d’étude scientifique. Une telle situation soulève les questions de l’exclusion des femmes comme sujets scientifiques et comme autorités intellectuelles.
Il apparaîtra au contraire que le charisme inhérent au savoir s’applique à plusieurs référentialités. En d’autres termes, ce qui fait d’une communication quelque chose d’intéressant et de valable, ce qui fait sa fécondité et son caractère d’ouverture vers d’autres recherches et d’autres référentialités ne peut être confiné arbitrairement dans une référentialité dominant l’histoire reconnue. Les différentes référentialités génèrent leurs propres questions, théories et méthodes. Les choix de valeurs, l’ordre des questions et leurs importances relatives ne peuvent être a priori réduits à une seule tradition dominante de recherche. Les référentialités féministes et queers sont issues de la même société globale. Or on en découvrira d’autres, plutôt exotiques, qui auront également beaucoup à Nous apprendre.
——————————
Remarques et rappels :
On peut définir le charisme comme une impression d’aura, de talent, de valeur que semble posséder une personne, un groupe ou toute autre entité. Par exemple, un certain charisme des sens se trouve à la base des œuvres d’art; un charisme intellectuel se trouve à la base des découvertes scientifiques de la science; un charisme moral suscite le respect, ainsi qu’on en a l’impression par la simple vue du visage d’autrui. Le charisme référentiel le plus général apparaît comme modulé en fonction d’une valeur intrinsèque individuelle ou collective de la recherche artistique, littéraire, scientifique ou philosophique. Le charisme peut aussi bien porter sur du quotidien que sur de l’historique. (Cf. La Grande convergence, section E. « Le charisme »).
Le mot charisme est pris ici en un sens particulièrement large de façon à s’appliquer aux théories scientifiques et aux mathématiques. Ainsi ce que les mathématiciens considèrent comme des théorèmes intéressants ou importants, ou encore comme de belles démonstrations aux rebondissements inattendus, relève d’un charisme qui entraîne une sorte de résonance indéfinissable suscitant l’adhésion. Ce type de charisme se retrouve en science pour qualifier toute théorie particulièrement belle ou intéressante aux yeux des chercheurs concernés.
——————————
À l’origine de l’idée d’<objectivité>
La référentialité féministe, en tant que courant distinct de la recherche, fera plus que renforcer l’objectivité en évitant les préjugés sexistes ou ceux qui résultent du fait de dominer les méthodes. Il ne s’agit pas simplement, non plus, d’un plus fort engagement envers le sujet d’étude permettant de mieux comprendre sa psychologie. Il s’agit bien plutôt d’ouvrir la recherche à la multiplicité indéfinie des référentialités, chacune étant susceptible à long terme de conduire à la perspective <objective> et donc d’un ordre idéométrique plus élevé. Le Modèle de l’enfant suggère qu’un fort charisme oriente le chercheur vers le respect, particulièrement entre les membres d’une même famille. En ce sens, les féministes auront eu raison d’insister sur l’insuffisance de l’objectivité comme détachement.
Il existe un charisme particulier à la base de la référentialité féministe, c’est-à-dire une tendance propre du féminisme à apprécier les œuvres humaines d’après une autre sensibilité. Ainsi les œuvres écrites par les femmes ou les féministes sont lues et relues en tant que choisies de façon distincte de celle de la référentialité dominante. Les références principales y sont différentes et constituent un palmarès distinct. Les grand(e)s auteur(e)s sont différent(e)s, les grand(e)s philosophes sont différent(e)s, les critiques possèdent une sensibilité différente, les objets d’études sont distincts. Il s’agit d’un nouveau type de charisme dont l’expression était invisible dans le GEA historique.
Simone de Beauvoir a produit une œuvre plus <objective> qui est charismatique aussi bien dans le GEA principal, où elle s’est inscrite dans la longue temporalité des auteurs assez notoires de la philosophie depuis les Grecs, que dans l’ensemble référentiel des auteures féministes où elle joue même le rôle d’une référence essentielle et fondamentale dans l’histoire qui s’en dégage.
On pourra parler de l’intérêt universel du féminisme, qui sera devenu l’une des sources éthiques majeure de la <philosophie>. D’après le Modèle de l’enfant, cette façon de redéfinir l’universel est en accord avec l’idée de la mère en tant que maternante autonome qui promeut l’autonomie de son enfant en tant que but commun.
L’épistémologie féministe conçoit les sujets connaissants comme en relation particulière entre eux et par rapport à ce qui est connu, et l’objectivité qui leur est attribuable n’a pas valeur de vérité en soi, mais en quelque sorte de revendications d’un savoir situable à la fois corporellement et mentalement dans l’espace et le temps tels que vécus (Anderson, Elizabeth, « Feminist Epistemology and Philosophy of Science », The Stanford Encyclopedia of Philosophy, Spring 2020 Edition).
On défendrait ici l’idée que l’on comprend l’importance épistémique de la relation mère-enfant lorsque celle-ci s’engage de façon autonome envers l’enfant et son développement. Plusieurs féministes ont opposé ce type de relation à la tendance objectivante et contrôlante, de la science du courant principal face à ses objets d’étude. Ce type d’approche n’aura eu qu’une vision très partielle des potentialités de ce qu’on étudie, en particulier lorsqu’il s’agit des personnes (ibidem).
——————————
Remarques :
L’idéométrie fait voir la relation mère-enfant comme un élément majeur de la recherche et, simultanément, comme un élément de vulgarisation de la science par le Modèle de l’enfant.
L’objectivité
Notre histoire de la science et notre philosophie actuelles des sciences sont aussi fragiles, précaires et mal assurées que les souvenirs d’un jeune enfant encore inapte à la parole. Que deviendront-elles donc? Ce sera tout à refaire ou presque, ou du moins tout à réinterpréter. Il semble bien que le plus objectif sera l’<objectif> et que, pendant un certain temps encore, il découlera entièrement du Modèle de l’enfant, en particulier de la conscience de l’enfant devenu apte à la parole. Notre histoire véritable, en tant qu’humanité nous sera racontée et expliquée par des déités <familiales>. Nous en apprendrons alors beaucoup sur la modernité et sur notre présent.Nos connaissances les plus objectives et les plus claires seront celles de l’existence d’au moins une déité-mère et de son amour pour nous, qu’elle s’occupe de nous et que, presque constamment, elle nous <parle> et elle nous <écoute>.
Le jeune enfant aurait raison de se fier à ce que lui dit sa mère, mais il peut avoir parfois du mal à la comprendre. L’idéométrie sera <objective> si les chercheurs qui l’emploient identifient correctement les idéomorphies et saisissent assez bien ce qu’elles veulent dire.
Ce qu’on appelle « histoire » n’est pas ce qui s’est passé, mais ce dont on <se souvient> de ce qui s’est passé. Cela signifie que l’histoire actuellement établie par les historiens actuels est <subjective>, celle d’une seule référentialité. Il y aura plutôt à faire une déconstruction de la partie qu’on se rappelle et une réinterprétation d’après d’autres référentialités.
Le thème de l’objectivité nous conduira de la science incluant les mathématiques vers l’objectivité idéométrique, notée ici <objectivité>, qui équivaut à une objectivité d’ordre supérieure.
Une brève expérience mathématique de pensée nous en donnera une idée. Elle consiste à faire un tableau des publications historiques ou scientifiques sur l’âge de l’Univers et d’en étudier le motif général.
Voici donc un résumé schématique des grandeurs métriques successives des univers ou mondes imaginés par les humains depuis l’Antiquité :
| Terre plate | 106 m | Haute Antiquité |
| Cosmos géocentrique | 1012 m | Basse Antiquité |
| Modèle de l’Univers-« Voie lactée » | 1022 m | Encore crédible au début du XXe siècle |
| Modèle actuel de l’Univers observable | 1026 m | À partir de 1965 (découverte du « rayonnement thermique cosmologique ») jusqu’à ? |
| Modèles futurs de l’Univers? | 10? M | Futur…? |
Tableau de la croissance historico-conceptuelle de l’Univers
Ce tableau représente donc ce qu’on pourrait appeler l’expansion idéométrique de notre univers, c’est-à-dire l’accroissement de notre aptitude à concevoir des idées scientifiques apparemment toujours restructurées et plus avancées. La dernière rangée en particulier exprime les questions que nous pourrions nous poser sur l’avenir de notre science de l’Univers. Étape par étape, une métamorphose se produit en ce qui concerne nos conceptions du monde, qui ne seront achevées qu’avec celles du monde des déités.
Ce qu’il y a de plus sûr, en ce qui concerne nos idées scientifiques sur l’univers, est qu’elles continueront de changer, de s’enrichir en termes mathématiques et surtout idéométriques. Les conceptions physico-cosmologiques dans l’histoire jusqu’à nos jours apparaissent ainsi comme un courant référentiel couvrant quelques milliers d’années avec une forte accélération récente, dans les dernières 100 années. Cela correspond à l’enfant encore infans, à ses souvenirs et à sa façon de comprendre ce qu’il est et d’où il provient. Puis, devenu apte au langage, il commencera à découvrir ce qu’est réellement son origine et ce qu’est l’univers ou le monde environnant. De même, les chercheurs découvriront plusieurs autres courants référentiels, évolutifs ou non, et il leur faudra en tenir compte afin d’élargir leur compréhension de l’<histoire>.
——————————
Remarques :
Bien sûr, l’enfant encore infans ne sait rien de ce qui existait avant sa conception. Or le Modèle de l’enfant nous en apprendra beaucoup sur ce vide pré-fécondant qui était et qui restera de façon cohérente le <Monde> réel. On s’appuiera pour ce faire sur ce qu’on saura des « couples » qui font le projet d’enfanter, sur la formation des familles et sur le milieu social environnant.
——————————
Plusieurs féministes ont insisté sur le caractère fructueux de l’engagement émotionnel avec leur objet d’étude, ce qui importe tout particulièrement dans la recherche éthique et politique (cf. Jaggar, Alison, 1989, “Love and Knowledge: Emotion in Feminist Epistemology,” in Garry and Pearsall 1989; Little, Margaret, 1995, “Seeing and Caring: the Role of Affect in Feminist Moral Epistemology,” Hypatia, 10: 117–137; Anderson, Elizabeth , 2004, “Uses of Value Judgments in Science: A General Argument, with Lessons from a Case Study of Feminist Research on Divorce,” Hypatia, 19(1): 1–24).
——————————
2. La métamorphose du temps
L’enfant tôt reconnu
L’un des plus grands bonds de l’humanité aura été celui de la modernité, ce qui est en idéocorrespondance avec l’enfant lorsqu’il amorce sa descente de l’utérus. Dès ce moment, l’enfant commence à explorer le monde, en commençant par lui-même, d’abord de façon sensorielle restreinte surtout à l’ouïe et au toucher. À sa sortie de l’utérus, s’ajouteront progressivement l’odorat, le goût et la vision. Il l’ignore d’abord, mais il est déjà reconnu comme humain dès sa sortie de l’utérus. L’humanité entrant dans la modernité a fait les grandes découvertes, a découvert certaines divisions religieuses et les sciences (perception de la lumière, de mouvements), l’athéisme (l’autonomie ontologique…)… L’humanité en a gagné grandement en capacité autonome effective de pensée et d’action.
| Enfant | Humanité |
| Conception | Apparition de l’Homo sapiens |
| Plaque neurale : première étape de la neurulation | Pensée présocratique : début de la référentialité de la recherche |
| Naissance (humanisation) | Avènement de la modernité (auto-divinisation) |
| « Grandes découvertes » dans l’espace environnant | « Grandes découvertes » dans l’espace environnant |
| Perception de la lumière et des mouvements | Invention des sciences |
| Autonomie ontologique | Athéisme |
| Premières sorties dans le voisinage de la maison familiale | Conquête de l’espace : premiers humains sur la Lune |
| Apparition du langage | Émergence de l’idéométrie |
| Âge adulte, maturité de principe | Établissement de la STN, en principe la Société de Toutes les Nations |
Tableau suggestif de quelques « grands bonds » de l’enfant et de l’humanité
Le long terme (LT)
L’histoire en tant que recherche portera aussi bien sur l’avenir que sur le passé parce que notre connaissance du passé dépendra du développement futur de notre savoir. Il nous faudra faire l’histoire future du passé. Il faudra aussi comprendre comment le respect dépend de notre connaissance du temps et de la longueur de temps qu’il requiert pour être compris et mis en pratique. L’instauration d’une situation de respect aura pour effet, entre autres, de transformer en profondeur toute notre connaissance de notre propre histoire.
On comprendra que les « luttes » sociales auront été une façon provisoire de comprendre la maturation de l’humain. Les problèmes les plus réels à la base n’auront jamais été l’exclusion ni l’aliénation, mais les difficultés normales dues à l’immaturité encore profonde de l’humanité-infans.
La science
En conséquence de l’essor de l’idéométrie, il y aura aussi un bouleversement des catégories scientifiques lorsqu’on aura un nombre suffisant d’idéocorrespondances, d’idéoséquences et d’idéotableaux publiés, et lorsqu’ils formeront une figure intelligible. Pendant encore longtemps, le potentiel de développement de la science importera plus que son état courant, ce qui motivera les recherches prospectives sur la science.
L’ontologie
L’enfant tend d’abord, de façon floue, à s’identifier à tout ce qu’il perçoit, puis il distingue entre lui et ce qui est à lui, puis à ce qui est à lui et en même temps à d’autres. De plus en plus il s’identifiera à une image de lui-même de façon plus ou moins réaliste. Par ailleurs, ainsi qu’on le dit couramment, l’Univers est à nous, au sens qu’il est notre univers, comme dans le cas du corps de l’enfant, qui est celui de l’enfant. Toutefois la réalité n’est pas si simple. Le simple fait qu’il y ait, ou même qu’il puisse réellement y avoir, des intelligences extraterrestres, fait que l’Univers n’appartient pas aux seuls Terriens, ou Homo sapiens, et qu’il est tout autant celui de ces Autres. Ainsi, nous prenons conscience que l’Univers n’est pas seulement le nôtre, mais le « Nôtre » au sens de toute l’intelligence avancée existant dans cet Univers. Nous devrions ainsi envisager les « extraterrestres réellement possibles » (d’après les potentialités réelles initiales de l’Univers) comme étant, non surtout hors de nous, mais aussi parmi Nous. Et puis, plus tard, Nous nous identifierons sans doute à autre chose encore inconnu.
| Enfant (infans) | Humanité (actuelle) |
| Il distingue entre lui (son corps) et ce qui est pour lui (le corps de sa mère), | On distingue le monde sublunaire et le monde céleste, |
| puis ce qui est à lui et à d’autres (son groupe). | puis les intelligences extraterrestres (du même univers) |
| Il a le potentiel réel de grandir encore et de découvrir les autres. | On aura le potentiel réel de progresser encore et de découvrir les autres déités. |
Tableau schématique de correspondances ontologiques
En se basant sur le Modèle de l’enfant, ce tableau nous permet de voir que, non seulement il nous faut tenir compte de la possibilité réelle d’autres intelligences dans l’Univers, mais aussi de celle qu’il <existe> de fortes possibilités réelles d’autres intelligences dans d’autres univers que le nôtre.
3. Le Projet Respect
La science actuelle a bien du mal à reconnaître ce qu’est un groupe d’appartenance identitaire. Quelques analogies avec le respect des personnes individuelles aideront à comprendre ce que veut dire précisément respecter un groupe :
Toutes les nations politiquement reconnues, tels les Américains, les Russes, les Chinois, …, les Français, les Anglais…, et les appartenances religieuses les plus influentes tels les catholiques, les musulmans, les bouddhistes…, ont dû commencer petites, en fait, à l’état de micronations ou de petites sectes. Les plus grandes civilisations auront commencé sous une forme de village ou de colonies, parfois même d’une ou plusieurs hordes. Elles étaient alors trop insignifiantes pour qu’on les reconnaisse dans l’histoire. En fait, il serait même tout à fait possible qu’elles aient commencé à l’état de groupes comportant un seul membre, ou groupes singletons. C’est probablement le cas, par exemple, du bouddhisme, du christianisme et de l’islam, qui ont référentiellement commencé avec le prince Siddharta, Jésus et Mahomet.
Le respect d’une personne selon l’éthique du Projet Respect
L’originalité du Projet Respect réside dans son caractère de « grand projet global » qui s’adresse à toute l’humanité en visant le long terme.
Selon l’éthique du Projet Respect, le respect d’une personne concrète consistera à
- reconnaître cette personne en tant que personne autonome;
- reconnaître le groupe d’appartenance identitaire de cette personne (nation, groupe religieux, etc.) en tant que groupe autonome;
- aider dans la mesure du possible cette personne à se développer par et pour son autonomie;
- aider le groupe d’appartenance identitaire de cette personne à se développer par et dans son autonomie.
Il faut ajouter qu’aider une personne à se développer par et pour son autonomie suppose que le groupe d’appartenance identitaire de cette personne est 1) reconnu comme une nation ou communauté au plein sens de ces termes et 2) que ce groupe est aidé autant que possible à se développer par et pour son autonomie en tant que groupe.
Les cultures diffèrent considérablement en richesses mais elles sont égales en dignité du point de vue de leur capacité à créer de la richesse culturelle sous toutes les formes.
Le droit à la dissidence
La dissidence joue un rôle essentiel dans la reproduction des groupes. Elle se retrouve au point de départ de chacun d’eux. De même, l’humanité et les autres déités auront été <conçues> au départ par un ou plusieurs singletons ou quasi singletons.
Le Projet Respect comporte en particulier le respect des nouvelles référentialités qui émergent sous la forme de dissidences référentielles, comprises en tant que forme de séparation/reproduction.
——————————
Remarques :
La séquence <reproduction> à partir de celle des structures complètes :
- atome =>> 2. cellule =>> 3. personne =>> 4. humanité
| Structure complète | 1.Atome | 2. Cellule | 3. Enfant | 4. Humanité |
| Union | Fusion | Fusion du spermatozoïde et de l’ovocyte | Union de deux personnes | Acquisition de nouveaux membres |
| Séparation | Fission | Division de la cellule | Développement autonome | Groupe dissident |
Tableau idéomorphique des unions et des séparations des structures complètes
Le citoyen a le droit de participer à la vie politique. Il jouit des libertés de conscience et d’expression, de la liberté d’aller et venir. Logiquement le citoyen devrait avoir aussi le droit de se séparer et d’être dissident de la société civile dont il provient; il devrait également avoir le droit à l’auto-institution et celui de fonder un nouveau groupe, une nouvelle société. Cela lui permettrait enfin d’avoir le droit réel à sa propre communauté, à son propre gouvernement.
Les référendums de souveraineté
Le « référendum de souveraineté » concerne par définition l’autodétermination d’un ou plusieurs peuples. Près de deux cents référendums ont été tenus dans différentes nations du monde depuis 1791. Le chercheur Jean Laponce constate que, non seulement des peuples ont pu décider ainsi de l’État auquel ils voulaient appartenir, mais en outre qu’ils ont pu, à l’occasion, décider de ses frontières. À ce propos, Laponce déclare : « Nous avons là un guide du juste référendum : satisfaire au droit des peuples de disposer d’eux-mêmes, mais aussi de réduire, autant que possible, l’insatisfaction que crée ce droit à l’autodétermination ». On peut par exemple décider d’un autre tracé de frontière plus approprié ou même en déterritorialisant la question, ce qui signifie qu’on organise la consultation populaire mais auprès d’une population définie autrement que par la prétention territoriale. À la plasticité des États répond celle des identités.
——————————
Jean Laponce, spécialisé en études politiques, a enseigné aux Universités de Colombie-Britannique, d’Ottawa et d’Aichi Shukutoku. Cf. Jean Laponce, Le référendum de souveraineté. Comparaisons, critiques et commentaires, Québec, Presses de l’Université Laval, 2010, p. 49.
——————————
Les singletons
Les singletons sont la racine ontologique, culturelle et historique de tous les groupes humains.
Le singleton organique vit confiné dans le CT alors que le singleton référentiel peut vivre longtemps dans le LT. Par exemple, Jésus aurait d’abord vécu en tant qu’organique puis il sera devenu tout à fait immortel en tant que référentiel. Le Bouddha, Mahomet et plusieurs autres seraient dans le même cas.
La plus notable dissidente potentielle, telle est le sens de la femme soumise en tant qu’être humain le plus exploité du monde. Reconnaître le singleton potentiel en elle, c’est vouloir l’aider sans condition. L’impossibilité de définir autrement la femme équivaut à l’impossibilité de définir autrement la personne humaine.
——————————
Remarques :
Reconnaître un groupe dissident n’équivaut pas à reconnaître son charisme propre, mais à le reconnaître comme égal à tous les autres groupes.
On découvrira le dilemme diversité / multiplicité. Lorsqu’on parle de diversité des cultures, cela signifie généralement que les groupes présentent des différences jouant un rôle dans les appréciations de leurs richesses culturelles, de leurs prestiges et de leurs influences respectives les unes sur les autres. Il y aurait même souvent un charisme intrinsèque à l’ensemble de ces différences. Par contre, la multiplicité des groupes signifie que chacun compte pour un et devrait se mériter une reconnaissance éthique égale à celle que tout autre obtient. Ainsi, en gros, la diversité est à la multiplicité ce que l’esthétique est à l’éthique.
Cela se traduira par l’éventuelle non-pertinence éthique d’aider un groupe à conserver ses traits culturels ou communautaires. Ce qui compterait alors, ce serait l’autonomie du groupe. C’est ainsi l’affaire du groupe seul de conserver ou non tel ou tel de ses traits culturels ou religieux excepté lorsque ceux-ci ont un intérêt pour d’autres ou pour l’ensemble du monde.
Les minorités sexuelles se présentent d’abord à la majorité comme des foyers de dissidence possible. Leurs membres et leurs comportements peuvent aussi bien avoir un caractère normal qu’anormal, la norme ici étant celle instituée par la majorité. Or les manifestations des « Fiertés » LGBTQ consistent entre autres à projeter une image volontairement provocatrice de dissidents moraux. L’enjeu véritable n’est pas le contenu de la norme, mais plutôt le fait de s’y conformer ou non. Ils affirment donc leurs différences d’appartenance. Chaque manifestation représente un petit « pas » devant conduire à un « grand bond » en avant pour l’humanité, étant entendu que cela se fera à travers une discontinuité générationnelle franchissable à LT. Pour les plus anciens, c’est un trop petit pas pour avoir du sens, pour les plus jeunes, le grand bond semble effectivement possible.
La politique
Notre conception de la politique se transformera. On mettra de plus en plus l’accent sur l’importance de respecter l’autonomie de chacun en plus de celle de son groupe d’appartenance quel qu’il soit, pourvu que cela soit compatible avec le respect de l’autonomie des autres. La politique, en d’autres termes, ressemblera du plus en plus à une éthique, mais étant entendu qu’elle se transformera ainsi dans un processus normal de développement vers une forme de maturité dont nous n’avons actuellement encore qu’une faible idée en ce début du XXIe siècle.
La reconnaissance de l’autre
Dans le monde actuel (début du XXIe siècle), les dissidents sont encore relativement peu reconnus en tant que nouveaux groupes, petits groupes ou groupes-singletons. L’un des plus grands changements à venir est l’évolution de cette situation. On s’avisera ainsi que la dissidence représente le mode normal de reproduction des groupes et des déités.
Il arrive que l’on confonde la reconnaissance avec une chosification. On ne reconnaît dans l’autre que celui à exploiter. C’est pourquoi l’aide doit souvent précéder la reconnaissance.
Par exemple, la « Marche des fiertés » se présente de façon ambiguë. On peut aussi bien y voir une façon de plus de se faire exploiter qu’une reconnaissance comme telle.
——————————
La métamorphose des divinités
Il nous faudra également apprendre à reconnaître les déités (autre nom pour certaines sortes de divinités), ce qui ne va pas de soi non plus. Parmi elles, l’humanité globale nous fait d’abord comprendre que ce type de respect passe par le respect des groupes d’individus ou encore des groupes de groupes. Le Projet Respect peut justement être vu comme un vaste mouvement sur le LT des personnes et des groupes vers le respect et, donc, vers la reconnaissance et l’aide mutuelle à l’autonomie des personnes et de leurs groupes.
Paradoxalement, une définition véritable de la nation manque encore. La définition qui paraîtrait la moins discriminatoire serait la suivante : « La nation est tout groupe d’appartenance prioritaire indépendamment de toute caractéristique militaire, économique, territoriale, d’ancienneté, de population, etc. » Il en découle que la nation d’un individu, c’est le groupe auquel il veut appartenir.
Groupe contre groupe, groupe contre société…l’humanité, comme l’enfant, ne se mesure d’abord que sur elle-même. Puis elle se tournera vers les autres déités.
La confiance que l’enfant met en sa mère contribuera à comprendre ce qu’elle lui dit, notamment sur le respect des autres, en particuliers des autres enfants, surtout les plus jeunes ou les plus fragiles. De même, l’humanité apprendra progressivement à respecter les référentialités distinctes, y compris les plus petites et les plus récentes. Elle y sera amenée en particulier par la reconnaissance des mouvances féministes et LGBTQ+, et des discussions sur les genres et les normes.
L’ONU protectrice de génocides cachés?
À l’ONU, l’actuel droit de veto de quelques grandes puissances représente un privilège indu puisqu’il rompt l’égalité des nations au profit de quelques-unes. En outre, d’un certain point de vue, tous les membres de l’ONU disposent d’une sorte de droit de veto implicite dont ils usent abondamment dans la mesure où ils cherchent à occulter et à museler les nations dominées vivant sur le territoire qu’ils s’arrogent. Ce n’est pas seulement entre eux que les membres de l’ONU combattent, mais contre l’une ou l’autre de leurs minorités ethniques, religieuses ou autres. Ces conflits internes sont d’autant plus fréquents qu’au lieu d’aider à les éviter, la Charte de l’ONU va dans le sens contraire en renonçant aux interventions dans les affaires intérieures de ses membres.
Il existe des solutions qui deviendront prévisibles à ce type grave d’abus, mais il faut supposer l’évolution de l’ONU vers une Société de Toutes les Nations – STN –, dont la Charte aurait pour effet de n’exclure aucune nation.
La Charte de la STN devrait en particulier contenir des articles équivalant aux suivants :
- La STN est fondée sur le principe d’égalité de tous les groupes, aussi petits, faibles ou démunis soient-ils.
- Les Membres de la STN règlent leurs différends avec d’autres Membres par des moyens respectueux, de manière à se rapprocher le plus possible du but visé dans l’Article 1.
- Tout Membre de la STN s’abstient, dans ses relations avec un autre groupe ou avec un dissident, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre l’autonomie de ce groupe ou de ce dissident, ou de toute autre manière incompatible avec les buts de la STN.
- La STN fait en sorte que les groupes qui ne sont pas Membres de la STN soient eux-mêmes, le plus possible, traités de façon respectueuse par tout autre groupe.
