10 février 2022
A. Penser l’espace et le temps
Dans le cas de l’humanité, l’espace le plus concret est celui où les chercheurs font leurs découvertes, d’où ils tirent leurs inspirations et où ils publient les comptes rendus de leurs recherches. De quel espace s’agit-il ?
Remarque 1 et rappel : L’inspiration, c’est ce qu’on attribue habituellement à la réflexion sur un sujet plus ou moins précis, à la lecture d’un auteur à découvrir. Elle peut jaillir d’un lieu physique, d’un endroit particulier, ou d’une œuvre d’art ou poétique… Cf. La conscience globale de l’humanité: III. L’inspiration…
Remarque 2 : Le « lieu » où « ils publient » n’est pas simplement la maison d’édition ou la discipline, mais le même que celui d’où ils tirent leur inspiration et où d’autres pourront puiser leur inspiration. Le lecteur en saura plus là-dessus après avoir lu cet article.
Remarque 3 : Nous avons vu que l’inspiration du chercheur idéocorrespond à l’influx nerveux (ou potentiel d’action) entrant dans un neurone, influx lui-même modulé de différentes façons. Cf. « La conscience globale… », [idem].
Remarque 4 : L’horizon de la recherche actuelle est bien plus grand que par le passé, ne serait-ce qu’à cause des moyens nouveaux fournis par les outils électroniques et l’intelligence artificielle aujourd’hui en plein essor. Tout indique, cependant, que cet élan d’aspect prodigieux conduira bientôt, à l’échelle de l’histoire, à un horizon très agrandi par rapport à celui qui est actuellement connu.
| Enfant (de 12 mois env.) | Humanité actuelle |
| Horizon spatial encore relativement limité (même si déjà considérable au regard de ce qu’il a connu) | Horizon encore relativement limité de la recherche (même si très élargi par rapport à la recherche jusque-là) |
| Durées des recherches (pour un nouveau jouet, pour son nounours…) encore limitées à quelques minutes | Durées des programmes de recherches (en mathématiques, en IA…) ne dépassant guère quelques années |
Idéotableau sur les <limitations d’espace et de temps>
L’horizon de l’enfant reste proche en distances aussi bien que court par sa durée.
… horizons théoriques et expérimentaux en expansion…
Car dans le cas théorique comme dans le cas expérimental, il y aura fort vraisemblablement encore des développements importants, et dans bien des cas des plus originaux. De tout nouveaux modèles et de tout nouveaux concepts mathématiques sont encore susceptibles d’apparaître dans l’avenir. Formulons ici un principe de non-limitation théorique.
Principe de non-limitation théorique : la recherche scientifique n’est pas à jamais limitée aux outils théoriques actuellement existants mais, au contraire, elle est fortement susceptible, à long terme, d’en développer de tout nouveaux, qui seront de plus en plus efficaces pour rendre compte des observations qui auront été effectuées.
La recherche mathématique s’avère à l’époque actuelle au moins aussi productive et florissante que par le passé. Il est donc plausible de supposer que le principe de non-limitation des moyens théoriques effectivement disponibles continuera de s’appliquer dans l’avenir, à court, à moyen et, vraisemblablement, à long terme.
L’enfant apprend progressivement la non-limitation de l’espace
Dans le cas des outils théoriques disponibles à un moment donné, il existe aussi une limitation des moyens effectifs, qui équivaut, comme dans le cas observationnel, à une non-limitation des moyens potentiels. Dans les deux cas, soit les cas observationnel et théorique, on se trouve à négliger le potentiel de développement futur, qu’on réduit à ce qui est effectivement disponible.
Remarque : La non-limitation de l’espace n’équivaut pas à l’absence pour toujours de limite dans cet espace. L’<enfant> ne peut <connaître encore aucune limite qui lui soit infranchissable, mais il peut quand même y avoir une limite réelle ou en soi quelque part, au-delà de son entendement>. Cela vaut aussi bien sur le plan <théorique> que sur le plan <observationnel>.
Voici à ce sujet une idéo-représentation des potentiels réels de l’enfant et de l’humanité actuelle.
| Enfant de 12 mois environ | Humanité actuelle |
| Limitations sensorielles (ou perceptuelles) et motrices | Limitation des outils mathématiques (ou théoriques) et des instruments d’observation |
| Non-limitation du potentiel réel des capacités sensorielles ou motrices | Non-limitation du potentiel réel de découvertes théoriques ou expérimentales |
Idéotableau sur la non-limitation de l’<espace>
Remarque : Ce tableau est extrait de La conscience en progrès de l’enfant (1ère partie)
L’attitude passive et l’attitude active
Selon l’attitude passive, les théories de base sont implicitement présumées exactes au-delà de toute limite. On fait donc comme si cette limite n’existait pas. Or il reste probable au contraire qu’elle existe et qu’on s’y heurtera à un certain moment.
Un principe heuristique peut être ainsi énoncé :
À toute époque de la recherche, l’observabilité effective est limitée par les moyens observationnels existants.
La compréhension active consiste à reconnaître que les théories physiques de base sont approximatives et, donc, que tout dépassement de la limite d’observabilité effective peut prendre les théories en défaut sur le plan observationnel (ou expérimental).
La compréhension passive présuppose à tort que la théorie est encore correcte au-delà du domaine où elle a pu être vérifiée expérimentalement et, parfois même, bien au-delà de ce domaine.
La précision croissante des observations : le cas des télescopes toujours encore « plus prodigieux »
Le facteur d’ouverture (dont dépend le pouvoir de résolution) des télescopes a constamment progressé, des fameuses lunettes de Galilée (jusqu’à 3,8 cm) aux plus « grands télescopes » actuels (plus de 10 m), en passant entre autres par la lunette de Christiaan Huygens (22 cm, en 1686), le Grand Télescope de l’exposition de Paris de 1900 (124 cm, en 1900-1901), le célèbre Télescope Hale du mont Wilson (1,52 m, en 1917), le non moins célèbre Télescope Hale du mont Palomar (5,08 m, en 1948)…
| Année | Télescope | Facteur d’ouverture |
| 1609-1612 | Lunettes astronomiques de Galilée | Jusqu’à 3,8 cm |
| 1686 | Christiaan Huyghens | 22 cm |
| 1900 | Grand Télescope de l’exposition de Paris | 124 cm |
| 1917 | Télescope Hale du mont Wilson | 1,52 m |
| 1948 | Télescope Hale du mont Palomar | 5,08 m |
| Actuellement | Grands télescopes | Plus de 10 m |
Tableau très sommaire sur la progression de la télescopie dans l’histoire
Il est sûr que cette liste ne s’arrêtera pas là.
Remarque 1 : On notera que la précision des observations est limitée par celle des unités de mesure. En général, la précision d’un étalon quelconque équivaut à la valeur de la limite d’observabilité effective pour un certain type de mesure.
Remarque 2 : La limite d’observabilité effective peut être décrite comme une ligne d’observabilité effective propre à un moment (ou une époque) de la recherche scientifique, ce qu’on peut voir comme une interface, sorte de frontière de l’espace de recherche, que les chercheurs ont atteinte grâce à leurs outils les plus perfectionnés du moment et qu’ils cherchent constamment à dépasser.
La permanence de l’objet : plus précoce qu’on ne le croyait
« Jean Piaget avait observé que jusqu’à l’âge d’un an les bébés font une erreur, dite « A-non-B », dans un dispositif de recherche d’objets disparus. L’objet est d’abord caché derrière un écran A, le bébé y trouve d’abord l’objet assez facilement, puis il est caché, sous les yeux du bébé, derrière un écran B. De huit à douze mois, le bébé continue d’aller chercher l’objet derrière A, commettant ainsi l’erreur A-non-B. Piaget croyait que cette erreur signifiait une absence de permanence de l’objet. Or les travaux de sciences cognitives, après Piaget, ont montré que la permanence de l’objet est généralement plus précoce (à quatre-cinq mois). Pour comprendre ce paradoxe, il a été démontré que l’erreur A-non-B tient au défaut d’inhibition motrice du geste préprogrammé vers A (l’habitude motrice, l’automatisme), en raison de la maturation encore insuffisante du cortex préfrontal. À un an, cette erreur est corrigée » (Encyclopaedia Universalis, « Développement des fonctions exécutives », Olivier Houdé, en ligne février 2021). C’est d’ailleurs à l’âge de quatre ou cinq mois que l’enfant commence à comprendre le sens de certains mots, sans être en mesure encore de les énoncer lui-même.
| Idéomorphie | Enfant (de 4 à 12 mois) | Humanité (avant la mise en application de l’idéométrie |
| <Potentiel réel> | Permanence de l’objet | Potentiel réel des objets d’étude |
| Compréhension passive> : Les suppositions habituelles mais sans fondements sont traitées comme vraies. | Compréhension passive de l’objet caché : L’enfant recherche encore derrière le premier écran l’objet pourtant déplacé sous ses yeux derrière le second écran. | Épistémologie moderne passive devant les objets d’études :On tente de réfuter les théories considérées implicitement, à tort, comme exactes |
| <Compréhension active>Les suppositions habituelles sont traitées comme probablement fausses ou mal formulées. | Compréhension active (chez l’enfant de 12 mois) :L’enfant cesse de chercher l’objet derrière le premier écran. | Épistémologie active idéométrique :Les théories de base sont considérées comme utiles bien que fausses jusqu’à preuve du contraire. |
Idéotableau : La <permanence de l’objet> ou <potentiel réel>
selon les modes passif / actif
Remarque : Les résultats de l’utilisation de la méthode de recherche par idéoficelage apparaissent dans ce tableau. La différence entre la compréhension chez l’enfant de la permanence de l’objet se projette ainsi, chez l’humanité, dans la compréhension du potentiel réel des objets d’étude. Ensuite, toujours par la méthode du ficelage, la compréhension du potentiel réel permet de mieux comprendre ce qui se passe dans la cérébralité de l’enfant par sa correspondance avec la référentialité de la recherche en général.
Rappel : Le ficelage d’idées a été défini dans « La conscience globale de l’humanité. III-L’inspiration »
<L’enfant apprend de ses erreurs>
Le principe de réfutabilité potentielle, qui suppose la notion de potentiel réel de la recherche, s’énonce ainsi :
Les théories et les principes en général, incluant les principes de symétrie, sont tous potentiellement réfutables, c’est-à-dire qu’ils deviendront effectivement réfutables aussitôt que le développement des moyens observationnels le permettra.
Remarque : Le principe de réfutabilité potentielle est valable pour toute théorie particulière ou tout principe particulier, y compris les principes de symétries.
B. Une théorie du temps
Trois temporalités sont d’abord distinguées :
1) le temps très court, ou milli-terme, dénoté « mT »,
2) la temporalité ordinaire du chercheur, ou court terme, dénoté « CT » et
3) la temporalité des époques historiques, ou long terme, dénoté « LT ».
Ces trois temporalités forment ensemble la <temporalité> idéométrique <T> :
mT =>> CT =>> LT
qui débouche sur les trois idées de : molécularité =>> cérébralité =>> référentialité, qui dénotent chacune les idées de trois différents types d’interactions :
Molécularité : idées qui expliquent en principe le fonctionnement des neurones à partir des interactions moléculaires, par exemple impliquant l’acétylcholine, des acides aminés…
Cérébralité : idées qui expliquent en principe le fonctionnement de la conscience du chercheur à partir des interactions neuronales, incluant donc par exemple l’axone et les dendrites…
Référentialité : idées qui expliquent en principe le fonctionnement de la recherche, incluant par exemple des interactions entre éditeurs, auteurs, lecteurs…
Remarque 1 : Les idées de meilleures publications, etc., sont en pratique utilisés dans les cours de formation plus ou moins spécialisés.
Remarque 2 : La séquence mT =>> CT =>> LT est égale à l’idéomorphie du temps <T>, donc à ce qui désigne le temps pour les déités.
On peut voir ainsi que le temps cognitif peut aussi bien correspondre au CT, c’est-à-dire le temps ordinaire du chercheur en tant qu’être humain qui effectue des observations et des mesures, qu’au LT, le temps dans lequel prennent place les concepts et les théories scientifiques qui marquent l’histoire.
| mT | CT | LT |
| Temps très court
(au milli-terme : en fractions de seconde) |
Temps ordinaire
(au court terme : en jours, en années…) |
Temps de l’histoire
(au long terme : en décennies, en siècles…) |
| Temps des interactions neuronales | Temps des interactions entre les êtres humains | Temps des interactions entre auteurs et lecteurs reconnus dans l’histoire |
| Explications par les fonctionnements moléculaires (neurotransmetteurs, par exemple endorphines, acides aminés) | Explications par les fonctionnements neuronaux (en particulier les axones et les dendrites) | Explications par les fonctionnements entre publications spécialisées (en particulier les lecteurs et les auteurs) |
Idéotableau : Trois temporalités
Les temporalités des auteurs et des lecteurs
Il existe une temporalité ordinaire des échanges informels, y compris de la plupart des lectures et des textes écrits. Il existe aussi les échanges d’idées cruciales par les publications marquantes, qui s’élaborent en tenant compte de la longue durée et qui sont à la base des courants d’idées et des champs de recherche.
| Lecteurs | CT : lectures faites dans le court terme ordinaire | LT : lectures réputées marquantes d’auteurs dans l’histoire |
| Auteurs | CT : textes écrits dans le court terme ordinaire | LT : publications marquantes de l’histoire |
Tableau : Deux temporalités des auteurs et des lecteurs
On pose ici l’existence effective d’un espace et d’un temps fondamentaux, qui sont l’espace dans lequel se déploie la recherche et le temps au cours duquel elle s’effectue. Des <fondements> sont en cause, pour nous aussi bien que pour les déités.
Remarque : Tous les espaces mathématico-physiques sont des objets particuliers qui nous apparaissent comme des sous-produits du développement du potentiel réel humain de pensée dans cet espace global. L’espace-temps de notre science physique est lui-même une conception qui a dû être élaborée à partir d’une recherche. Celle-ci pourrait, dans l’avenir, produire les conceptions d’autres types de structures. En ce sens, cet <espace> et ce <temps> sont fondamentaux pour toute recherche. L’idéotableau qui suit définit cet espace et ce temps pour l’humanité en fonction de l’enfant.
| Enfant (de 12 mois environ) | Humanité actuelle |
| Espace environnant son berceau, où se trouvent ses jouets et d’autres objets plus ou moins familiers à l’enfant qui prend le temps requis pour se développer au contact d’autres personnes | Espace et temps réels dans lesquels se déploient la recherche mathématique et par extension la science, et leurs différents objets ou sujets d’études en tant que tels et, de plus en plus distinctement les déités idéomathématiques |
| Les impressions progressives de l’enfant concernant ce que sont pour lui l’espace et le temps | Les espaces et les temporalités physico-mathématiques, physiques (au sens large) et historico-sociétaux conçus par les chercheurs en tant que lecteurs et auteurs |
Idéotableau : l’<espace> et le <temps>
Remarque : L’enfant comme point d’appui, l’effet des espaces et des temps conçus en science existent sous la forme de ficelages liant ces concepts à l’espace environnant l’enfant, puis nous permettant de rajuster nos idées générales d’<espace> et de <temps>.
Les déités idéomathématiques, qui incluent l’humanité prise globalement, représentent ici des objets idéomathématiques, en tant que <sources d’inspiration> dans les différents domaines de recherche.
Une nouvelle convention d’écriture : les suffixes temporels
On peut d’abord constater que deux neurones qui émettraient à 10 secondes d’écart ne le font pas en même temps, même si deux personnes qui se parlent avec un tel délai l’attribueront au même moment.
Il arrive qu’on entende implicitement, comme une évidence, l’une ou l’autre des temporalités mT, CT ou LT dans le langage utilisé même dans le cas des textes les plus spécialisés. Par exemple, si un neurone émet en même temps qu’un autre, on sous-entend qu’il émet dans une certaine temporalité mT ; ce n’est pas la même chose que de dire qu’on émet dans le CT, ce qui serait implicite si on parle d’une personne émettant un signal audible. La convention d’écriture consiste à écrire l’expression « émettre en même temps qu’un autre dans la très courte temporalité » comme en inventant un nouveau mot le verbe « émettre dans le mT » en écrivant plutôt « émettre-mT ». De même, une personne émet-CT un signal. En outre, selon la même logique, on écrira qu’un texte publié est marquant-LT dans le sens qu’il s’inscrit dans l’histoire de la recherche.
Autres exemples : Un neurone émet-mT un potentiel d’action, une personne émet-CT un propos, un mathématicien, en publiant ses travaux, émet-LT une nouvelle démonstration. Ces trois types d’entités <émettent> donc un <signal>.
| Neurone | Enfant | Humanité |
| Émission-mT :Exemple : les potentiels d’action nouvellement modulés impliquant une nouvelle information interneuronale et susceptible d’être perçue plus ou moins consciemment en un bref moment par l’individu | Émission-CT :Exemple : de nouveaux sons vocaux qui, pour l’enfant, ont des significations particulières, susceptibles d’entraîner l’énonciation d’un nouveau mot par l’enfant | Émission-LT :Exemple : des publications sur de nouvelles démonstrations mathématiques susceptibles de transformer les rapports entre certains domaines de recherche |
Idéotableau illustrant l’usage de suffixes temporels
Remarque 1 : Il y a philosophe-CT et philosophe-LT. Il faudrait toujours spécifier qu’un philosophe reconnu ou entré dans l’histoire, ce n’est pas un philosophe au sens le plus courant du terme, qui peut être aussi bien une personne en général qui a sa propre « philosophie de vie ». Le premier serait un philosophe-LT alors que le second un philosophe-CT.
Remarque 2 : L’expression « philosophe-LT » sera parfois remplacée par « philosophe référentiel ». Il en va de même pour les « scientifiques », les « chercheurs », les « auteurs »,…
| CT (au court terme) | LT (au long terme) |
| Un philosophe-CT peut être toute personne qui exprime-CT ses opinions, ou qui aime lire plus ou moins souvent des ouvrages de philosophie, etc. | Un philosophe-LT est, au niveau académique, tout auteur, chercheur ou professeur de philosophie-LT, c’est-à-dire la philosophie d’auteurs reconnus-LT en philosophie-LT |
Idéotableau : Deux niveaux idéocorrespondants de la philosophie
Remarque 1 : Les personnes-CT peuvent évidemment avoir une vie bien remplie d’expériences marquantes de toutes sortes. Dans bien des cas, elles se seront contentées d’exister au niveau organique, pour des raisons qui sont les leurs.
Remarque 2 : Une personne considérée comme auteur-CT de son vivant peut devenir auteur-LT à LT.
La compréhension active
Il arrive que l’existence-LT (ou existence référentielle) d’un personnage soit sûre sans que, pour autant, son existence infraréférentielle ne le soit. Tels sont par exemple les cas de Socrate et de Jésus. Dans le cas de Socrate, ce qu’on sait de lui provient essentiellement des textes de son élève Platon, qui nous révèle surtout la pensée de Socrate. La vie même de Socrate ne peut nous être connue que par des recherches en histoire. Toutefois ce que les historiens disent de Socrate est encore sur Socrate-référentiel plutôt que Socrate-organique s’ils utilisent essentiellement d’autres sources écrites reconnues pour le savoir. Il faut alors faire des recherches en quelque sorte archéologiques pour en savoir plus sur Socrate-CT. L’existence référentielle confère en quelque sorte une vie référentielle qui se déroule sur le LT et non sur le CT, lequel décrit le cas des êtres vivants en général.
Dans le cas de Jésus, il s’agit aussi d’une référence importante, mais aussi sans qu’on en sache plus sur la personne organique que dans le cas de Socrate. Pour beaucoup de lecteurs du Nouveau Testament, Jésus existe bel et bien, mais il existe d’une existence-LT. Tout ce qu’on sait de lui provient de ce corpus de textes. Le reste est spéculation. De même, les auteurs des évangiles, Matthieu, Marc, Luc et Jean, sont des humains qui existent essentiellement en tant qu’auteurs. Leurs personnes-CT (ou personnes infraréférentielles) ont une existence problématique et leurs traits de caractères sont hypothétiques. Jésus-CT a-t-il existé? Nous ne le savons pas de façon certaine. S’il a existé, était-il réellement comme les évangiles le décrivent, a-t-il fait réellement ce qu’on lui attribue? Nous ne le savons pas de façon certaine. Si, un jour, nous parvenions à savoir exactement qui il était, nous continuerions sans doute à faire la différence. Bien des croyants, surtout, tiendraient à leur Jésus (Jésus-LT) et ne voudraient pas le voir diminué par quelque trait de caractère ou par quelque agissement qu’on ne lui soupçonnait pas. (Cf. Agorathèque, § 3 La référentialité)
Voici un tableau susceptible d’éclairer là-dessus tout particulièrement les théologiens et les croyants d’esprit moderne.
| Jésus-CT | Jésus-LT |
| Jésus en tant que personne infraréférentielle | Jésus en tant que personne référentielle |
| Personne (ou être, entité) d’après son existence infraréférentielle | Personne reconnue par des textes retransmis dans l’histoire |
| Existence référentiellement invérifiable | Existence, dans ce cas, éminemment vérifiable par les références textuelles, bibliques ou autres |
Idéotableau : <Jésus>
Les lecteurs de textes-LT sont de façon générale pour la plupart des lecteurs-CT puisque leurs lectures restent non publiées comme telles. Il existe cependant des cas de lectures-LT. Les philosophes considèrent, par exemple, le Kant lecteur de Hume en tant que lecteur-LT et ils se basent sur les textes publiés au nom de Kant pour en déterminer les traits.
Remarque 1 : Le tableau ci-dessus constitue les définitions de Jésus-CT et de Jésus-LT; d’une certaine façon, il donne l’existence aux deux en conférant aux deux définitions un statut-LT (on peut supposer que ce texte sera inclus tôt ou tard dans le Gea). C’est un exemple de complexification inhérente à l’idéométrie en tant que <langage>, et non langage au sens ordinaire.
Remarque 2 : Paul Ricoeur-LT évoque ces « œuvres écrites qui ont rompu leur lien initial avec l’intention de l’auteur, avec l’auditoire primitif et avec la situation commune aux interlocuteurs ». C’est le cas de la Bible. Il écrit aussi que « l’auteur est institué par le texte », ce qui rejoint l’idée de l’auteur-LT. D’après ce qu’il écrit, on peut constater que, pour lui, un auteur est nécessairement -LT et un lecteur nécessairement -CT. Et, pour lui, la réalité du dialogue est profondément différente de celle de l’écriture. Il explique que, dans le dialogue, « si je ne comprends pas spontanément, je vous demande une explication (…) Il en va tout autrement avec les œuvres écrites (…) ». Il se trouve à ignorer la possibilité de dialogues-LT. Pourtant, ceux de Platon-LT sont de ce type… Ricoeur, Du texte à l’action. Essais d’herméneutique, 1986, p. 142, 165-166).
Une compréhension active envers Jésus-LT
En fait, ce que l’histoire peut déterminer est que Jésus est le nom du personnage central du Nouveau Testament et que celui-ci a servi de référence sacrée dès les premiers siècles de notre ère, en plus d’autres détails qui pour la plupart, sinon tous, sont d’ordre-LT. Tout ce que nous pouvons savoir de cette foi, comme de la vie de Jésus-LT et de sa résurrection réside dans les témoignages qui nous sont transmis sous la forme de textes-LT de référence.
En général, celui qui cherche à savoir ce qu’il peut y avoir de vrai ou de bon dans la Bible doit le chercher dans d’autres références où des interprétations sont faites de la Bible. Il doit utiliser les écrits qui ont été institués en référence et qui sont transmis par le processus-référentiel-LT. S’il est l’adepte d’une foi particulière, il se référera à une tradition particulière. Ainsi, le catholique se référera aux écrits de la tradition catholique, lesquels ne sont pas nécessairement pourvus d’une grande valeur-LT du point de vue des non-catholiques. Il n’y a pas une Vérité transmise par la Bible, mais plutôt une vérité de ce qui a fait son influence-LT pendant des millénaires. Personne, actuellement, n’est en mesure d’expliquer entièrement ce qu’est cette vérité.
La compréhension passive est par exemple celle de l’enfant (entre 4 et 12 mois) lorsqu’il voit l’<endroit nouveau où l’on a caché l’objet> sans pour autant changer sa façon de faire. La compréhension passive est caractérisée par le manque de réflexion, de questionnement ou de recherche, d’application à partir de ce qu’on croit comprendre. Il est alors possible de voir que se correspondent la situation de l’enfant encore passif et celle de la recherche scientifique sans trop de questionnement sur ses bases.
Les théories de base sont ordinairement considérées comme « pouvant être en principe réfutées », mais on peut alors croire qu’elles sont en pratique exactes jusqu’à preuve du contraire. En réalité, il est facile de se convaincre que les théories de base sont toutes réfutables ou dépassables dans le long terme, en principe et en pratique, et qu’il est tout à fait envisageable et même probable qu’elles soient réfutées dans la recherche à long terme.
Remarque sur la mécanique quantique
La théorie quantique définit ensemble deux sortes très différentes de processus — appelons-les A et B — afin d’expliquer les phénomènes physiques. Le processus A est décrit comme causal et réversible dans le temps, alors que le processus B est décrit comme non causal et non réversible dans le temps. On a tenté de bien des façons de ramener ces deux types de processus à un seul.
L’effectivité réelle présente un problème. La langue usuelle écrite ne permet d’ailleurs que partiellement de saisir la différence entre les processus de type A ou B, c’est-à-dire entre, d’une part, l’action et le temps réversibles purement théoriques et, d’autre part, l’action effective au présent réel. En d’autres termes, les deux rangées du tableau suivant sont à deux niveaux différents de réalités :
| Processus de type A : calcul du potentiel réel | Fonction d’onde de probabilité | Temps réversible (ou temps abstrait) |
| Processus de type B : effectivité | Réduction quantique du paquet d’onde | Temps irréversible (ou temps réel) |
Tableau du potentiel réel et de l’effectivité en mécanique quantique
Seul le temps abstrait (réversible) de type mathématique semble théorisable mathématiquement dans les modèles physico-mathématiques, ce qu’est censé montrer l’emploi de plus grands caractères ici. En d’autres termes, nous ne pouvons pas au moyen de nos théories mathématiques actuelles expliquer le résultat en tant que résultat effectif, qui se produit dans un temps réel, à telle ou telle date du calendrier (calendrier effectif !), comme votre lecture ici et maintenant…
L’insuffisance du langage habituel pour dire le temps
Savoir ce qu’est le temps et la façon dont on le perçoit représentent certains des problèmes les plus ardus qui se posent aujourd’hui dans la recherche scientifique, particulièrement en physique et dans les sciences cognitives, et ce que cela signifie pour le développement humain en général.
Pour commencer. Il faudrait poser l’idéotableau suivant :
| Enfant (de 12 mois env.) | Humanité actuelle |
| Développement intellectuel d’après la psychologie de l’enfant | Recherche scientifique d’après l’histoire des idées |
Idéotableau de départ : cérébralité (de l’enfant) et référentialité (de l’humanité actuelle)
L’enfant de 12 mois environ est à l’âge où il prononce ses premiers mots. L’humanité actuelle est justement à l’époque où l’idéométrie fait son apparition et où elle conceptualise les premières idéoséquences. Le problème, dans les deux cas, consiste ici à mieux penser ce que sont leurs développements respectifs et, en sachant mieux ce que représente le temps dans leurs cas respectifs.