Recherches ludiques XVIII
Avril 2024
1 Des sciences humaines à la physique et aux mathématiques, on peut constater une mise en abyme. Chaque niveau disciplinaire nous renvoie, comme dans un miroir, une certaine image du monde et de nous-mêmes, censée de plus en plus objective. Les sciences humaines reflètent notre être en tant qu’humains dans une histoire qui est la nôtre. La même structure d’idées – ou idéomorphie – en biologie nous fait voir que nous sommes chacun une organisation vivante de cellules biologiques. La même structure d’idées en physique reflète également notre être matériel, nous sommes faits d’atomes. Quant à l’idéométrie, elle nous révèle que nous sommes toujours là pour alimenter et faire évoluer ces niveaux de recherche, tout en objectivant ces images successives de nous-mêmes.
2 La mise en abyme, au départ, est un procédé consistant à représenter un objet fabriqué ou créé dans un objet similaire, qu’il soit visuel ou littéraire, qu’il s’agisse d’une image ou d’une description en mots, par exemple en peinture, au cinéma ou dans un roman. Or la mise en abyme qui se retrouve également dans les champs disciplinaires de la recherche scientifique apparaît comme un élément essentiel dans le processus d’acquisition d’un nouveau langage pour la science.
2,1 La mise en abyme est une caractéristique générale des mots, y compris le mot « mot ». Par définition, la mise en abyme consiste en « toute modalité autoréflexive d’un texte ou d’une représentation figurée ou « toute enclave ayant pour référent la totalité qui lui sert de cadre. »… « une réflexion à l’infini », dans l’infiniment petit mais aussi dans l’infiniment grand. (Encyclopædia Universalis)
3 Supposons que l’enfant répète un mot que quelqu’un prononce devant lui. Il peut prendre plaisir à le reproduire même s’il ne sait pas encore ce que ce mot particulier signifie. Il lui suffit en effet de savoir que c’est un mot que quelqu’un vient de prononcer en lui parlant ou en parlant à quelqu’un d’autre dans une situation donnée. Comment ce jeu de langage acquis mais non encore bien appris se transpose-t-il dans le langage idéométrique? Le tableau suivant en donne une première <expression>.
| Enfant de 12 mois environ | Humanité actuelle |
| L’enfant prononce le mot entendu « [mot] » | Les chercheurs considèrent ce même tableau : <L’enfant prononce le mot entendu « [mot] »> |
Idéotableau du jeu <L’enfant prononce le mot entendu « [mot] »>
Cette mise en abyme est cette fois pratiquée par d’éventuels chercheurs. Ce sera alors l’acquisition du type idéométrique de langage sans avoir autre chose à apprendre que de comprendre ce que ce tableau signifie, dans une sorte de jeu, en ce qui concerne le mot « mot » lui-même. L’enfant peut également de cette façon apprendre des mots nouveaux – leurs prononciations tout aussi bien que leurs significations – d’après les situations. Par exemple lors d’un repas, on peut lui apprendre facilement les mots désignant tel ou tel légume ou, ce qui est encore plus intéressant, tel ou tel dessert!
3,1a La mise en abyme peut donc se comprendre comme une idéomorphie liée à l’acquisition du langage et, en particulier, à une structure en abyme aussi bien dans la cérébralité de l’enfant que dans la référentialité de la recherche scientifique.
L’enfant qui acquiert le langage porterait donc inconsciemment en lui l’idée d’une mise en abîme du mot en tant que tel. Cela correspond à ceci.
3,1b
| Idéoséquence de la mise en abyme du mot | Le mot | Le mot ‘mot’ | Le mot signifiant le « mot ‘mot’ » | Etc. |
3,1e Cette séquence peut être généralisée pour représenter n’importe quel mot, par exemple, le mot « chat » :
3,1b
| Idéoséquence de la mise en abyme du mot | Le chat | Le mot ‘chat’ | Le mot signifiant le « mot ‘chat’ » | Etc. |
Il en découle que lorsqu’on parle du chat on parle aussi, implicitement, du mot en soi qui le désigne.
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Remarque : L’idéométrie en tant que domaine de recherche aura elle-même débuté par une sorte de hasard préadapté qui consiste à s’inspirer d’une mise en abyme. Il s’agissait de reproduire à un niveau supérieur la différence abstraite entre le code génétique et les langues humaines, de façon à produire une nouvelle idée du langage qui reproduirait la même structure d’idées (idéomorphie) à un niveau supérieur. C’est ce que représente la figure suivante :
| Code génétique =>> Langue humaine |
=>>
| Langue humaine =>> Langage d’ordre supérieur |
Référence: The Mind of Society: Investigating and Using the « Language of the Gods », World Future, 1997.
Rappel : On peut voir les déités comme des humains de degré supérieur. L’expression « personne de degré supérieur » (Personnalität höherer Stufe) est tirée de textes d’Edmund Husserl pour désigner la société humaine. Il utilise la notion de personne comme un concept générique comportant deux espèces, soit la personne individuelle et la personne collective. On notera également que l’expression « personnalité d’ordre supérieur » pour désigner des groupes tels que des États ou des Églises, etc., est utilisée par Husserl dans ses Méditations cartésiennes (traduction de Gabrielle Pfeiffer et Emmanuel Levinas, 1980).
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5 Lorsque l’enfant acquiert la capacité verbale, il doit donc savoir ce qu’est un mot même s’il n’en connaît réellement aucun. Dans le cas des idéoséquences, on sait que ce sont des <mots> sans savoir le sens véritable de ce <mot> pour les déités.
8 Certaines des meilleures versions de la mise en abyme se retrouvent dans le <potentiel réel> combiné à l’<effectivité>.
Du présent effectif aux potentialités réelles
L’idéoséquence qui suit porte sur les modalités de l’être en tant que mise en abyme:
| Séquence de l’effectivité et du potentiel réel | Présent effectif | Potentiel effectif | (Potentiel réel) effectif | (Potentiel réel) effectivement possible… | Etc. |
| Exemples | L’enfant est effectivement en train de parler | L’enfant est maintenant capable de parler | Le petit humain a généralement le potentiel réel de l’acquisition du langage | Certains primates sont réellement capables d’acquérir de langage | Etc. |
La science sous sa forme actuelle se trouve ainsi questionnée et relativisée.
9 L’idéomorphie de la subjectivité en tant que mise en abyme
Le tableau qui suit illustre ces ordres de subjectivités avec l’exemple du lancer d’une pièce de monnaie:
| Subjectivité n : | Subjectivité 1 | Subjectivité 2 | Subjectivité 3 | Subjectivité 4 |
| Exem-ple : le lancer d’une pièce de mon-naie | La pièce de monnaie vient de tomber sur pile 4 fois sur 4; c’est le temps, pense-t-on, pour que le face soit plus probable qu’auparavant! | À pile ou face la probabilité 1 sur 2 reste la même à chaque coup, d’après un quelconque profane. | Un physicien estimerait que la probabilité de 1 sur 2 est une approximation; car la pièce réelle est légèrement dissymétrique. | Il s’agit ici d’une séquence idéométrique; seules des déités pourraient ensuite nous expliquer que le savoir des physiciens est relatif à la maturité de leur science, laquelle est encore loin d’être effective. |
La réalité plus ou moins probable du moment d’un individu est relative à l’individu lui-même en tant qu’ayant la capacité d’apprendre, ce qui en fait une subjectivité 1. Celle de l’individu est relative à celle de l’intersubjectivité, soit une subjectivité 2. Mais celle de l’intersubjectivité d’un temps est relative à l’objectivité de la science, soit une subjectivité 3. On peut encore tenter d’imaginer une subjectivité 4 qui serait celle des déités.
Dans cet idéotableau, le hasard préadapté relèverait de la subjectivité 4, donc d’après le Modèle de l’enfant appliqué à la science physique actuelle, sorte de savoir propre à l’humanité actuelle-LT, mais donc non partagé par les déités réellement possibles qui envisageraient d’autres physiques dans d’autres univers.
Même en mathématiques, les chercheurs font preuve d’une forme de subjectivité en menant leurs recherches d’après certains choix particuliers motivés par des raisons personnelles ou découlant de l’influence de leur société, et aussi parce qu’ils sont limités aux mathématiques qui leur sont accessibles à ce moment de l’histoire de leurs recherches.
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