Recherches ludiques XXI
Octobre 2024
I La Société de toutes les nations – STN
Dans un opuscule publié en 1795 et intitulé Projet de paix perpétuelle, Emmanuel Kant montre que le spectacle de l’histoire est profondément choquant. Les guerres se succèdent continuellement, causant toutes sortes d’atrocités. Les États sont encore dans l’état de nature plutôt que de former une société qui les regrouperait de façon pacifique. Cette sensibilité et cette volonté d’inclusion se sont retrouvées près d’un siècle plus tard avec la fondation de l’ONU en 1945.
Un long progressisme
Un long progressisme sensé pourrait se retrouver dans les prochains siècles. Il se poursuivrait, entre autres choses, avec l’établissement progressif d’une Société de toutes les nations (STN) en tant que digne successeure de l’ONU conformément à ses principes actuels incluant tout particulièrement le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ce progrès notable consisterait en la reconnaissance – non seulement souhaitée mais réellement voulue – de toutes les nations et l’aide à toutes celles qui seront dans le besoin dans leurs développements autonomes et ce dans le respect de chacune. Un véritable respect mutuel régnerait entre les nations et l’esprit de guerre se serait sérieusement estompé. Comment pouvons-nous, aujourd’hui, concilier les exigences de l’éthique, du politique et du religieux, avec les implications des phénomènes planétaires qui affectent tous les groupes humains dans leurs développements propres et leurs relations mutuelles?
|
Une Charte de la STN devrait en particulier contenir des articles équivalant aux suivants :
|
L’établissement de la STN présuppose une nouvelle et profonde critique de l’éthocentrisme.
|
Rappel : Ethnocentrisme et éthocentrisme Ethnocentrisme : tendance à croire sa propre ethnie supérieure aux autres ethnies et, par extension, la tendance à croire les traits qualitatifs de sa propre culture – tels que ses œuvres d’art, ses institutions ou la forme d’énonciation de ses principes moraux ou philosophiques – supérieurs à ceux des autres cultures. Éthocentrisme : attitude consistant à considérer le sens moral de son groupe comme le seul valable, comme lors de conflits la prétention exclusive de défendre les vraies valeurs. Pour revenir à la question de notre état de nature, une certaine action violente effectuée par un individu sera considérée, d’après certains stéréotypes, comme un « exploit héroïque » par les membres du groupe d’appartenance de cet individu et comme un « acte criminel » ou encore comme un « acte abominable et monstrueux » par les membres du groupe adverse. Nous conviendrons ici d’identifier conceptuellement l’attitude d’irrespect entre les groupes à l’éthocentrisme. |
Égocentrisme et éthocentrisme
À l’égocentrisme du jeune enfant correspond conceptuellement, en tant qu’idée scientifique à venir, l’éthocentrisme. Nous conviendrons ici d’identifier conceptuellement l’attitude d’irrespect entre les groupes à l’éthocentrisme.
Pour en bien saisir les enjeux, il faut d’abord ici passer par les mathématiques.
II Les grands défis mathématiques des millénaires à venir
La géométrie algébrique s’est illustrée récemment en permettant d’apporter enfin une solution au problème de Fermat, trois siècles après que le problème a été posé. Il y en aura d’autres parmi les sept « Problèmes du prix du millénaire, actuellement réputés insolubles.
|
Les problèmes du prix du millénaire Il s’agit d’un ensemble de sept défis mathématiques réputés insurmontables, posés par l’Institut de mathématiques Clay en 2000. La résolution de chacun des problèmes est dotée d’un prix d’un million de dollars américains offerts par l’institut Clay. En 2024, six des sept problèmes demeurent non résolus. En particulier, le problème de l’hypothèse de Riemann remonte à 1859; il y a donc 165 ans. Celui de la conjecture de Poincaré a demandé 98 ans (posé en 1904 et résolu en 2002). Certains, parmi eux, demanderont encore plus de temps et pourront bénéficier de l’aide décisive de l’idéométrie (cf. Recherches I, 21 novembre 2022). |
D’après le Modèle de l’enfant, il y aura encore bien d’autres grands problèmes difficiles de mathématiques, et bien d’autres encore dans la recherche en général.
| L’enfant qui grandit | L’humanité qui se développe |
| En principe, l’enfant se développera-CT jusqu’à l’âge dit adulte, par exemple 18 ou 21 ans, même s’il reste encore loin d’une véritable autonomie de pensée éthique du respect des autres et de lui-même. => | L’humanité se développera-LT sur des siècles et des millénaires afin d’être effectivement apte à reconnaître et apporter de l’aide à chaque nation en respectant son propre développement autonome. Les 18 ou 21 ans de l’âge adulte (colonne de gauche) équivalent ici, pour la recherche globale, à une époque du développement de l’humanité, à une durée de l’ordre de 10 000 ans de l’histoire à venir. Le problème ne sera alors pas réglé, mais on en saura plus sur le pourquoi et le comment. |
Idéotableau idéomathématique sur l’idée de l’âge adulte
transposée au niveau de la déité humanité
Le fait de savoir longtemps à l’avance le sens et l’importance de certaines recherches devrait motiver pour leurs projets-LT les universités et les centres de recherche, mais aussi les chercheurs autonomes, comme jamais auparavant. L’idéomathématique permettra d’en savoir à l’avance sur beaucoup de concepts et d’objets scientifiques y compris en éthique et politique, mais elle ne remplacera pas les expérimentations particulières susceptibles ou non de les confirmer-LT.
Le long-termisme
Le long-termisme du Projet de STN ne consiste pas à priver de priorité des questions plus urgentes dans le court terme, au contraire. Ce qui change c’est d’en savoir plus sur la raison d’être de ces priorités.
Référence : Le philosophe William MacAskill (2022) définit le long-termisme comme « l’idée selon laquelle influencer positivement l’avenir à long terme est une priorité morale clé de notre époque ». (Cf. Autres références dans Wikipédia anglais)
Le Projet Respect ne souffre pas d’être trop improbable quoique sa réalisation absolument complète serait peu vraisemblable. L’importance du projet tient plutôt aux avancées réellement possibles qui peuvent donner un sens à tous les projets humains.
Le long terme permet de réaliser à la longue les luttes pour le progrès qui sont effectuées dans le court terme. Le progrès à long terme (LT) consiste en petits changements (CT) concernant des personnes dont la sensibilité évolue avec de nouveaux moyens techniques et de nouvelles institutions. Cela n’apparaît pas toujours au grand jour. Par correspondance, l’enfant qui grandit ne penserait pas souvent qu’il grandit ou qu’il progresse, et cette idée restera longtemps-CT abstraite pour lui. Ce qu’il ressent, c’est surtout, par exemple, ce que lui procure l’affection parentale et le plaisir de jouer avec d’autres enfants.
| Enfant | Humanité moderne |
| L’enfant grandit; il le ressent souvent difficilement. | Les luttes progressistes sont souvent âpres. |
| L’enfant ressent une grande satisfaction de pouvoir faire-CT quelque chose de nouveau. | Les chercheurs constatent l’importance des progrès mathématiques et techniques authentiques sur le long terme LT. |
| Il se sent encouragé par les réactions parentales-CT. | Les chercheurs sont motivés après avoir constaté leur capacité de progresser-LT en nouvelles idées dans l’histoire. |
Idéotableau sur le progrès-LT
Il faut ainsi chercher à développer un grand potentiel réel initial au moyen de critiques surtout positives et constructives dans le long terme LT.
|
Rappel : Une brève théorie du temps La recherche scientifique comporte trois temporalités distinctes qui sont d’abord à distinguer : 1) le temps très court, ou milli-terme, des processus intracérébraux, ici dénoté « mT », 2) la temporalité ordinaire du chercheur, ou court terme, dénotée « CT » et 3) la temporalité des époques historiques, ou long terme, dénotée « LT ». Ces trois temporalités forment ensemble la <temporalité> idéométrique <T> : mT =>> CT =>> LT qui débouche sur les trois idées de : molécularité =>> cérébralité =>> référentialité, qui dénotent en science trois différents types d’interactions et de formations de réseaux. Molécularité : idées qui expliquent en principe le fonctionnement des neurones à partir des interactions moléculaires, par exemple impliquant l’acétylcholine ou certains acides aminés. Cérébralité : idées qui expliquent en principe le fonctionnement de la conscience du chercheur à partir des interactions neuronales, incluant donc par exemple l’axone et les dendrites de chacun des neurones. Référentialité : idées qui expliquent en principe le fonctionnement même de la recherche, incluant par exemple des interactions entre éditeurs, auteurs, lecteurs… |
Une échelle de temps
| Âge de l’enfant (CT) | Âge de l’humanité moderne (LT) |
| 1 an environ-CT | 500 ans environ-LT |
On pourra s’entendre pour que cet idéotableau définisse l’étalon permettant d’évaluer les durées futures en fonction de celles connues par la psychologie du développement de l’enfant. Ainsi les données de l’exemple suivant reposent sur cet étalon, résumé en « 1 an =>> 500 ans ».
| Âge de l’enfant (CT) | Âge de la modernité (LT) |
| Âge adulte : 18 ans-CT | Âge de l’<adulte> : env. 9000 ans |
Idéotableau d’un jalon : l’âge de l’état <adulte>
Remarque : Les expressions « 1 an environ-CT » et « 500 ans environ-LT » etc., signifient par exemple que la durée 1 an représente un stade notable du développement de l’enfant, de même que 500 ans pour le développement de l’humain (c’est en gros l’âge de la modernité, laquelle peut avoir commencé de façon référentiellement remarquable avec la Réforme protestante ou, sur un autre plan, la découverte du Nouveau monde par Christophe Colomb au nom de l’Espagne).
Jusqu’à présent, on a collectivement « cherché » et « subi » le progrès-CT ce qui devait apparaître comme un gain politique réel s’avérant ensuite étriqué, et sans se soucier que le soi-disant progrès s’inscrive dans un développement humain global dans des cadres le plus souvent religieux.
III Les grands défis religieux des millénaires à venir
En quoi la religion peut-elle faire grandir l’humanité? Le tableau qui suit résume un peu la situation telle qu’actuellement connue.
| Individu | Humanité |
| Religion-CT (statique) | Religion-LT (évolutive) |
| Exemple du catholicisme-CT : Messes, sacrements, cérémonies d’obsèques… | Exemple du catholicisme-LT : Bulles, synodes, conciles, conclaves… |
Idéotableau sur la <religion>
Exemples historiques de la religion-LT évolutive :
L’histoire retient entre autres deux faits d’importance majeure :
– La séparation officielle, en 1054, entre les chrétiens catholiques et les chrétiens orthodoxes, en tant que cause historique des Croisades , expéditions armées dans le but de faire des pèlerinages chrétiens en Terre sainte.
– Le concile Vatican II (1962-1965) est considéré comme l’événement le plus marquant de l’histoire de l’Église catholique au XXe siècle parce qu’il symbolise son ouverture au monde moderne et, en particulier, parce qu’il bannit de ses textes doctrinaux toute expression selon laquelle les juifs seraient un peuple déicide, c’est-à-dire coupable de la mort de Jésus.
| Enfant en bas âge-CT | Humanité telle que connue jusqu’à maintenant-LT |
| Souvenirs de cris, pleurs et chicanes (d’abord vers 4 ou 5 mois) pour un jouet comme un hochet | Histoires bien documentées de guerres de religions (en particulier celles des 16e et 17e siècles) pour des interprétations différentes du statut exact de la Bible |
Idéotableau sur les <guerres de religions>
Un grand défi pour les groupes religieux en général sera celui de respecter tous les autres groupes religieux ou, plus généralement, tous les groupes d’appartenance.
| L’enfant qui grandit | Les progrès de l’humanité |
| L’enfant se fait des amis qu’il saura accepter avec leurs différences. | Les recherches référentielles des personnages et des textes sacrés d’autres religions seront considérées différentes et marquantes. |
| Il jouera avec ses amis qu’il appréciera pour leurs capacités parfois supérieures aux siennes. | Les recherches se poursuivront en particulier pour considérer chez les différentes religions leurs qualités propres et leurs réussites référentielles, qui s’avéreront parfois plus importantes que la référentialité de sa propre religion pour l’avenir humain. |
Idéotableau sur de Grands défis religieux
Le grand défi contre les stéréotypes de héros et de monstres
Pendant ses premiers mois de vie, l’enfant montre une peur des étrangers. Lorsqu’il rencontre une nouvelle personne, il aura tendance par exemple à se coller à sa mère ou à se cacher, mais cette crainte des inconnus ne dure pas. L’enfant sera capable de s’ouvrir peu à peu aux autres. Il manifestera aussi, à l’inverse, graduellement son besoin d’explorer seul. À l’égocentrisme du jeune enfant idéocorrespond l’éthocentrisme des groupes humains.
La Grande convergence des croyances religieuses, des disciplines et des recherches scientifiques et philosophiques
L’humanité, du point de vue référentiel, aura la tendance à passer du Dieu unique et jaloux à une divinité en général plutôt ouverte et généreuse envers les autres divinités. Ainsi, par exemple, les monothéistes d’esprit moderne s’intéresseront à l’hindouisme, au bouddhisme et aux autres croyances, non pour mieux s’en défendre, mais pour renforcer leur respect envers elles.
Référence : Agorathèque, La Grande convergence (18 février 2018)
On pourra tous se dire, par principe, musulman, chrétien aussi bien que, pour des raisons analogues, bouddhiste, hindou et beaucoup d’autres, tout en entretenant sa propre identité dans un groupe particulier. Ce sera l’un des volets de la Grande convergence, une convergence selon les idées et les principes et non selon les appartenances religieuses, nationales, etc.
| L’enfant de 12 mois environ | Humanité actuelle |
| Peur des étrangers | Craintes des autres religions |
| Besoin de sécurité affective | Besoin d’inspiration religieuse dans les recherches |
| Il arrive à s’ouvrir aux autres personnes. | Les chercheurs plus ou moins croyants s’intéressent aux autres religions que la leur. |
Idéotableau sur l’<ouverture aux autres>
|
Les conversions au catholicisme actuel (aperçu sur la tendance à converger vers tous les autres) La notion de conversion mutuelle pourrait s’imposer comme une nouvelle idée pour l’éthique des rapports entre les peuples. En voici un exemple : Le dominicain Antonin-Marcel Henry décrit ainsi l’activité missionnaire (catholique) telle qu’elle est aujourd’hui comprise : « La mission moderne n’est pas enseignement unilatéral, mais effort pour une « conversion mutuelle […] tant des chrétiens que de leurs interlocuteurs ». Le père Henry se base sur un texte officiel de l’Église catholique (l’encyclique Populorum progressio, en 1967) . Selon son interprétation du texte, l’objectif des missionnaires est de favoriser autant que possible le « développement » qui convient le mieux à un peuple ou à une personne à un moment donné. Il reconnaît que ce travail est difficile d’autant plus qu’on ignore en quoi il consiste exactement. « Nous connaissons mal la juste proportion et la détermination précise des avoirs qui conviennent à un peuple ou à une personne pour son développement harmonieux à une époque donnée ». De plus, il s’agit de « promouvoir l’amour », l’amour de Dieu qui se ramène à l’amour du prochain, qui tend même à englober l’ « ennemi », et enfin de « montrer comment cela s’inscrit dans la Croix glorieuse du Christ, révélatrice de ce que Dieu est pour les hommes et de ce que les hommes doivent être pour Dieu et entre eux. » (Antonin-Marcel Henry, Encyclopaedia Universalis, édition de 2011). |
Conclusion : Les grand défis éthiques et politiques des millénaires à venir
Les progressistes devront tenir compte de plus en plus du long terme. Il leur faudra apprendre à défendre et à fournir des recours afin qu’ils puissent à leur propre rythme se développer en tant que personnes avec leurs sociétés qui respectent l’autonomie des autres personnes sans exception et des autres groupes sans exception, ce qui n’ira pas de soi. Mais nous pouvons y croire, nos vies particulières et celles de nos descendants auront ainsi du sens.
(())